Le maire de Marseille a annoncé un plan pour la rénovation des écoles marseillaises. Ce plan prévoit, en 6 ans, la construction ou reconstruction d’une trentaine de groupes scolaires en urgence absolue. Par conséquent rien n’est prévu pour les 400 autres écoles !
De plus le mode de financement est inacceptable : un Partenariat-Public-Privé (PPP) comme pour le stade Vélodrome que les Marseillais devront payer encore longtemps. Cette procédure coûte plus cher que le financement direct de la Mairie et la gestion du projet sera attribuée à de grands groupes financiers multinationaux. Une fois encore, la mairie choisit d’endetter considérablement les marseillais pendant plus de 25 ans.
Pierre-Marie Ganozzi – SG FSU13 – a répondu à nos questions.
1 Quelle est la situation des écoles primaires marseillaises ?
La situation est catastrophique dans les écoles publiques marseillaises. Sur les 400 écoles, certaines sont encore en « Pailleron », d’autres sont vétustes ou encore sans isolation (15° l’hiver à l’intérieur). Depuis 20 ans, peu d’écoles neuves ont été construites et les établissements existants ont navigué à vue, avec des budgets qui ne permettaient que du rafistolage quand il aurait fallu une ambition toute autre. Le plan d’urgence décrété par l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem a été vite absorbé et a permis d’éteindre le feu médiatique mais pas vraiment d’améliorer les choses sur le terrain, en tout cas uniquement de manière parcellaire. C’est un peu comme pour les piscines : il n’y en a pas suffisamment, alors la mairie se défausse sur la « culture » des habitants des quartiers Nord qui ne voudraient pas apprendre à nager ou bien sur la présence de la mer Méditerranée qui serait un formidable outil d’apprentissage pour la natation. En bref, les arguments sont ridicules voire pagnolesques. Ainsi, en ce qui concerne l’état désastreux des écoles, l’adjointe à l’Education a affirmé qu’il s’agissait de « Marseille bashing » ou que certains élèves ne respecteraient vraiment pas les locaux… Cette absence de prise de conscience des dirigeants constitue le premier frein pour une action concrète et concertée avec les professionnels et usagers. Peut-être existe-t-il aussi de la mauvaise foi, voire un désintérêt pour l’éducation des plus jeunes.
La colère gronde chez les enseignants du primaire et les parents d’élèves depuis de nombreux mois. Textes, pétitions, interpellations, grèves ponctuelles alertent les élus. L’appel pour un plan d’urgence pour l’Education à Marseille est celui qui a eu le plus d’impact médiatique, avec des signataires qui allaient au-delà des cercles habituels de l’Education (le cinéaste Robert Guédiguian ou encore l’homme de théâtre Richard Martin étaient quelques unes des figures locales qui ont porté le texte). Du coup la Mairie a voulu trouver des solutions au moindre coût immédiat et au plus grand impact visible pour les administrés : la procédure de PPP (Partenariat Public Privé).
2- Quelle réponse de la municipalité ?
Cette procédure PPP se chiffre à un milliard d’euros sur 25 ans, pour rénover ou reconstruire environ 10% des établissements. Non seulement la somme est astronomique, mais en plus, elle laisse de côté 90% des groupes scolaires. En outre, avec ce système de rente sur 25 années, la somme globale atteindrait 100 millions d’euros de plus par rapport à une procédure MOP (maîtrise d’ouvrage publique) plus classique, avec la Mairie comme pilote des travaux et de l’entretien. En fait, dans ce cadre précis, seuls des géants du BTP pourront répondre à l’appel d’offre. Et donc cela va externaliser les emplois et priver les artisans du département d’un travail déjà en raréfaction. Autre scandale, et non des moindres : les écoles vont être construites avec un espace libre à bâtir à proximité. Pour y faire quoi ? Si c’est une multinationale qui s’en charge, alors le risque devient fort de se retrouver avec un centre commercial, alors que piscine ou bibliothèque seraient une évidence pour tous les acteurs du dossier. Enfin, les enseignants comprennent bien que si c’est Bouygues, Vinci ou une autre FTN qui construit leur lieu de travail, celui-ci sera mis sous cloche pendant 25 ans, sans possibilité de modification de quoique ce soit, ni même de concertation puisque les décideurs seront très éloignés. Par exemple pour les CP à 12 élèves, comment et avec qui négocier pour rajouter une cloison dans une salle de classe ? C’est déjà difficile aujourd’hui avec des architectes et artisans du coin… mais demain ? Impossible !
3- Quelle bataille vous menez ? (unité ? mobilisation des personnels et des parents ? Juridique ? ) Quelles alternatives vous proposez ?
Contre ce que nous surnommons « les PPP : Pompe à Pognon Public », la FSU13 a initié un collectif aussi large qu’inédit. En effet, trois unions départementales syndicales (UNSA, Solidaires et donc FSU), cinq syndicats enseignants (snuipp, snes, SE-UNSA, CGT éducation, Sud-éducation) mais également des professionnels du bâtiment, avec les architectes (SA13 et maison de l’architecture), les ingénieurs (CINOV) et les artisans (CAPEB et SNSO). A cela s’ajoutent les associations de parents d’élèves (MPE13), des citoyens et des associations. En outre, les politiques nous apportent leur soutien, en particulier dans la connaissance des dossiers déposés au conseil municipal. Là encore, l’union est large, puisque nous réunissons PS, PCF, LFI et Générations à chaque réunion ou presque ! Nous sommes tous très différents, mais notre objectif reste le même : mettre en lumière cette procédure de PPP, en dénoncer les dérives et les abus et proposer des alternatives qui permettraient aux professionnels du bâtiment d’obtenir les contrats locaux, aux enseignants de travailler dans de meilleures conditions, aux parents d’être rassurés par des locaux sains et bien sûr, et surtout, aux élèves de pouvoir étudier dans des conditions optimales.
Le syndicat des architectes et un groupe de citoyens ont déposé des recours juridiques. Pour l’heure, rien n’a encore été statué par la Justice. Ils se fondent notamment sur le fait que la Cour des comptes elle-même a dénoncé cette procédure et que son homologue européenne vient de déconseiller aux Etats membres de l’UE d’y avoir recours.
L’objectif du collectif reste quant à lui de médiatiser cette affaire pour que les Marseillais s’en saisissent et affirment clairement qu’ils ne veulent pas de cette espèce de leasing pour leurs écoles. Le collectif a déjà manifesté et distribué des lettres devant le conseil municipal, écrit à l’ensemble des CIQ (comité d’intérêt de quartier) et organisé une réunion publique réunissant plus d’une centaine de personnes (encore consultable sur Facebook). Il y a également un site internet qui relaie nos actions et propose une revue de presse (www.marseille-contre-les-ppp.fr). Désormais notre objectif est de faire pression sur les députés pour qu’ils appuient notre démarche à l’Assemblée en posant une question au gouvernement, ainsi qu’une demande d’audience à M. Gaudin, maire de Marseille, pour lui exposer nos propositions : réaliser les rénovations en MOP ; garder la gestion publique des écoles ; réaliser un audit sur les besoins de l’ensemble des écoles ; effectuer un prêt à la banque européenne ; établir un plan pluriannuel d’investissement pour les écoles.
Après le stade Orange-Vélodrome, nous refusons les futures écoles Bouygues, adossées à des Mac Do ! Les Marseillais doivent garder la main sur leurs écoles… et en plus cela coûte moins cher !
Pierre-Marie Ganozzi (SG FSU13) – http://institut.fsu.fr/-Newsletter-Mai-2018-.html
Pour en savoir plus https://marseille-contre-les-ppp.fr/
Sur le même sujet, Michèle Olivier du SNUipp nous signale l’APPEL DE LA SOCIÉTÉ CIVILE FRANCOPHONE CONTRE LA MARCHANDISATION DE L’ÉDUCATION dont plusieurs syndicats de l’éducation de la FSU sont signataires, ainsi que le CSFEF dont la présidence est assurée par la FSU….