Université Populaire du Pays d’Aix
« Risques Psychosociaux » : déplacer le regard , agir sur le travail.
Le cas des enseignants.
Paul Bouffartigue (sociologue CNRS)- Stephane Rio (responsable SNES-FSU)
Médiathèque Méjanes-Aix-en-provence. Lundi 24 juin. 19-21 h.
C’est désormais sous le vocable des « Risques Psychosociaux » (« RPS ») que les professionnels de la santé au travail tentent d’appréhender et de prévenir les multiples manifestations de souffrance au travail. Mais en tentant de les faire rentrer dans la veille catégorie de « Risques professionnels » – même en les disant « nouveaux » – , on peut rester piégé par une approche « toxicologique » de la santé au travail : on cherche à identifier et à éliminer dans l’environnement du travailleur, à l’aide d’ « experts », des facteurs qui seraient à l’origine d’atteintes à sa santé. Approche particulièrement inadéquate s’agissant de la santé mentale. En pratique, on se contente souvent de tenter de soigner les personnes en souffrance sans s’interroger sur les dimensions collectives et organisationnelles qui les mettent en difficulté.
La montée des « RPS » imposent de sortir de cette vision des rapports entre travail et santé. En se demandant si la clef du problème ne réside pas dans l’activité-même de travail : dans quelle mesure permet-elle de réaliser le travail de qualité répondant aux attentes du public et aux valeurs de l’individu au travail ? Et dans quelle mesures n’est-on pas contraint d’intérioriser des conflits qui n’ont pu être discutés et dépassés collectivement ? Il n’est plus alors de prévention efficace qui puisse faire l’impasse sur la mobilisation de l’expérience et des savoirs des travailleurs. Dans tous les milieux de travail c’est la difficulté ou l’impossibilité de réaliser un travail de qualité, selon la conception que s’ont font les professionnels, qui fait souffrance.
Le métier d’enseignant n’échappe pas aux logiques qui conduisent partout au « travail empêché » : montée des prescriptions managériales ou/et bureaucratiques ; multiplications de tâches hétérogènes ; transformations du public, et élévation de ses attentes ; recul des espaces-temps d’échange collectif. Quasiment ignorés par la médecine du travail – historiquement tournée vers les risques professionnels de type industriel – les enseignants n’ont-ils pas d’autres ressources potentielles pour faire de leur travail un opérateur de santé mental ? C’est ce que visent les initiatives syndicales qui se développent afin de les aider à « reprendre la main sur leur travail » (1).
Paul Bouffartigue introduira la séance en questionnant les « RPS » comme tournant possible dans l’approche de la santé au travail, et Stephan Rio rendra compte de ces expériences, comme celle conduite au lycée Marseille Nord : rendre visible la réalité d’un travail peu visible, mieux le comprendre, pour tenter de le transformer. En s’appuyant sur la « clinique de l’activité », différents dispositifs sont mis en place pour de petits groupes, dans des formations, des interventions sur le lieu de travail, des recherches-actions. Les outils utilisés sont l’entretien, l’observation, l’enregistrement vidéo de l’activité d’un enseignant en classe. Une telle démarche n’est pas seulement porteuse d’un nouveau regard sur le travail enseignant, mais d’une conception renouvelée du travail syndical.
(1) Cf. Yves Baunay, Marylène Cahouet, Gérard Grosse, Michelle Olivier, Daniel Rallet (coord.), Le travail enseignant. Le visible et l’invisible, Institut de Recherche de la FSU, 2010.