Par  Bernadette Groison, secrétaire générale nationale de la FSU

La tactique n’est pas vraiment nouvelle : on affiche la volonté de préserver la fonction publique, mais au nom d’un besoin de modernisation et de souplesse jamais réellement démontré, on propose un ensemble de mesures qui la fragilisent, en sapent les principes, avec la perspective de la faire imploser. En réduisant systématiquement les effectifs sans jamais s’interroger sur ce qu’apporte la fonction publique à la cohésion sociale, aux solidarités, au développement économique, à l’effectivité des droits pour les usagers, on en réduit l’efficacité au détriment de ceux qui en ont le plus besoin. En développant le recours aux contrats, en rompant les solidarités en matière de rémunération entre les trois versants de la fonction publique, en développant un « management » qui met les agents en concurrence entre eux, on mine les bases du statut et ce qui permet aux services publics de répondre aux besoins de la société.

Ceux qui cassent les services publics choisissent d’ignorer qu’une des missions essentielles de ces derniers est de permettre à chacun partout et quelle que soit sa situation de bénéficier de l’effectivité de ses droits : éducation, santé, sécurité, logement, mobilité, etc. Le tout dans le respect de principes fondamentaux comme l’égalité de traitement, la continuité, l’adaptabilité. Et le statut des fonctionnaires en est à la fois la conséquence et la condition. Ce que certains dénoncent comme des privilèges n’est qu’un ensemble de droits et de devoirs qui visent à répondre aux besoins de la société et traduire ces principes. Ainsi, la séparation du grade et de l’emploi a pour contrepartie l’obligation pour le fonctionnaire d’aller partout où l’on a besoin de lui : cela vise à garantir la continuité de l’action publique, l’égalité de traitement sur tout le territoire, mais aussi l’indépendance de l’agent par rapport aux pouvoirs locaux.

Pour prendre en charge efficacement l’intérêt général, on a besoin d’agents qui travaillent ensemble avec des droits et des obligations communs garantis par la loi, s’articulant avec des règles particulières adaptées à chacun des secteurs d’activité. C’est ce que permet le statut : il assure à la fois le respect de principes fondamentaux et la souplesse de fonctionnement qui est celle de la fonction publique. Car contrairement à certains clichés, elle n’a cessé de montrer son adaptabilité. S’il y a des blocages et des dysfonctionnements, c’est d’abord à cause des politiques de réduction des moyens, de démarches managériales à courtes vues et du recours accru à des contractuels.

Si l’on voulait réellement améliorer la fonction publique, de multiples pistes existent. Et d’abord conduire un vrai débat avec l’ensemble des parties prenantes, agents, usagers, élus, entreprises sur les besoins de services publics ; puis impulser une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications ; mettre l’accent sur la formation initiale et continue des fonctionnaires, favoriser le travail en équipe. Il faut aussi, en rompant avec une gestion à la performance, miser sur leur responsabilité et leur sens du service public. Et, bien sûr, revenir sur un certain nombre de réformes qui ont de plus en plus morcelé la fonction publique, reconstruire une grille des rémunérations et résorber la précarité.