Nous, professionnels de différents corps de métiers intervenant au Centre pénitentiaire de Luynes, souhaitons aujourd’hui tirer la sonnette d’alarme sur l’état de cet établissement.
Nous sommes conscients qu’avec plus de 1000 détenus hébergés aujourd’hui, le taux de sur-occupation a explosé ces dernières années et que la gestion de l’établissement est un véritable casse-tête. Un niveau d’exigence minimum s’impose malgré tout. La situation devient intenable tant pour les professionnels que pour les personnes incarcérées :
– Les surveillants sont surchargés et surmenés par des cadences infernales liées à un taux d’absentéisme récurrent. Le problème apparaît non soluble puisque les heures supplémentaires se cumulent et poussent trop de professionnels à bout. Leur quotidien sur la coursive se résume à gérer des mouvements au pas de course et à se confronter seuls aux tensions existant en détention.
– Le SPIP, le médical, les enseignants en milieu pénitentiaire, les partenaires institutionnels rencontrent des difficultés à voir les détenus en entretien, en activité ou en consultation. Les conditions d’accueil déplorables ne permettent pas un travail de qualité (absence de matériel, de confidentialité…).
La quasi totalité des services sont en sous-effectifs chroniques, surchargés par le travail et mis en difficulté par ces conditions d’intervention.
Nous avons dépassé le stade du sentiment d’insécurité.
Aujourd’hui, les situations de mise en danger sont avérées et se multiplient.
– Les détenus sont soit trop à l’aise en détention, soit en totale insécurité. Certains se promènent sur les coursives à longueur de journée et stagnent des heures sur le « rond-point », qui est devenu le rendez-vous de l’après-midi. D’autres se terrent dans leur cellule effrayés à l’idée de se confronter aux violences physiques ou morales qui sont quotidiennes en détention.
Tous les professionnels le constatent : la loi respectée au sein de cet établissement est trop souvent celle du plus fort. Racket, bagarres, menaces, pressions sur les familles, sont les témoignages que nous recueillons tous les jours. Le Quartier d’isolement est plus que plein. De nombreux détenus souhaitent y être placés pour leur propre sécurité mais, faute de places disponibles , ils se mettent eux- mêmes en situation d’isolement total et se coupent ainsi des soins, des parloirs, des activités.
Chaque service associé à cet écrit a déjà fait remonter, à de nombreuses reprises, les difficultés rencontrées. A ce jour, sans résultat …
Le climat en détention est insécurisant pour tous mais le discours institutionnel reste totalement ambivalent oscillant, selon les interlocuteurs, entre fatalisme et déni de réalité.
Pour nous, ce discours n’est plus soutenable. Les difficultés existent et doivent être remontées, reconnues et dans la mesure du possible résolues.
N’attendons pas l’arrivée d’un événement tragique pour réagir !
Dès lors, nous invitons l’ensemble des personnels intervenant dans l’établissement à s’associer à cet écrit.
Celui-ci sera rendu public et transmis aux autorités et organismes compétents sur la question pénitentiaire.